Devenir des stars tout en restant barbares : PNL
En 2015, deux frères de la cité des Tarterêts (Corbeil-Esonne, 91), Tarik (Ademo) et Nabil (N.O.S), connaissent le succès avec leur groupe Peace and Lovés (PNL) et leur clip du morceau « Le monde ou rien » qui cumulera des millions de vues sur YouTube. Après une mix-tape (Que la famille) et trois albums (Le Monde Chico, suivi par Dans la légende puis Deux frères), PNL s’est hissé sur le toit du monde, s’imposant comme l’un des groupes francophone majeur de la dernière décennie. Leurs titres racontent l’histoire de l’ascension fulgurante de deux jeunes dealers au passé trouble.
Devenir des monuments de la pop-culture tout en gardant les pieds sur terre, défendre haut et fort l’honneur de leur vie passée au sommet de la tour Eiffel et crier la beauté de la misère, c’est toute la grandeur de PNL. Leur recette ? Elle est rondement bien décrite par Louisa Yousfi dans le sixième chapitre de son essai Rester barbare (La fabrique éditions, 2022), « Niqués pour la vie ». D’abord, Ademo et N.O.S ont consolidé ce qu’elle appelle un « territoire de reconnaissance » résumé par le slogan « Que la famille » (QLF). PNL revendique un entre-soi, une grande famille qui n’attend plus rien de l’extérieur, une rupture nette avec ceux qui n’en sont pas – raison pour laquelle ils n’accordent ni de featuring ni d’interviews. Grâce à des métaphores animales, une sauvagerie revendiquée (« Igo j’suis sauvage et j’crie ounga wawa, Ounga ounga »), l’évocation du Zoo (comprenez par là le quartier), PNL retourne le stigmate contre l’ennemi et rejoue la grande division coloniale : barbarie contre civilisation.
Ce faisant, Ademo et N.O.S nous montrent dans leurs textes a priori tout l’inverse puisque leurs titres racontent une histoire intime de la misère (« Ouais, pas d’vie sociale, juste une vie d’cas social »), de l’ennui (« Je vis, je visser, j’m’ennuie, je vis, je visser, j’bibi »), de leur amour fraternel (écoutez Deux frères) et envers leur père vénéré (« Papa nous a cogné tête contre tête, nous a dit : « J’veux un amour en fer/J’veux personne entre vous, même pas moi, même pas les anges de l’Enfer“ »). Leurs lyrics sont profondes, souvent sombres et émouvantes quand on y est sensible (« J’vis dans un rêve érotique où j’parle peu mais j’caresse le monde/J’meurs dans un cauchemar exotique où la Terre ressemble à ma tombe. »).
Entre intimité et brutalité, les contrastes et la dissonance esthétique ainsi créée (« Pas besoin des bras d’une femme, j’connais pas ceux de ma mère/Pas besoin qu’on m’aime en fait, j’ai juste besoin qu’tu quittes ma tête/Teint pâle comme un souffrant, t’inquiète pas j’me sens bien/Vous êtes nombreux, mon pompe demande “vous êtes combien ?“ ») sont au coeur du projet de PNL : faire cohabiter « deux régimes d’existence a priori incompatibles : être un barbare et un être sensible. » (L. Yousfi, Rester barbare, p. 95). Et pour cela, PNL regorge de formules magiques : « Je t’aime, à la folie, passionnément, à l’ammoniaque », « J’remplace centimes par sentiments », « Fragile comme la paix ».
Samuel Da Costa
Jean-Louis Brossard, le visage des Trans Musicales
En studio
Crème Brûlée Records, une spécialité dinanaise