Avec Ovidie, libérez-vous des injonctions !

Nous avons eu l’honneur de pouvoir interviewer Ovidie, réalisatrice féministe et autrice, pour parler de son dernier livre paru en collaboration avec l’illustratrice Diglee, « Tu n’es pas obligée ». Ce livre s’adresse aux adolescentes, comme sa fille, pour leur apprendre qu’elles ne sont pas obligées de suivre les injonctions faites aux femmes.

Ovidie n’en est pas à son premier livre, au contraire. « Tu n’es pas obligée » est d’ailleurs son troisième en collaboration avec l’illustratrice Diglee, qu’elle avait rencontrée pour la première fois au festival d’Angoulême en 2013. Diglee présentait son travail, notamment son livre « Forever Bitch », et Ovidie eut un coup de cœur. Lorsqu’elle se mit à travailler sur son livre « Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels », elle demanda de pouvoir collaborer avec Diglee, car son dessin, réaliste et féministe, accompagnerait parfaitement le propos. Après pratiquement trois ans de travail ensemble sur ce livre, « Libres ! » sort. Ce fut un succès, qui s’est accompagné ensuite d’une série animée (disponible sur arte.tv). Ovidie s’est rendu compte d’une chose : bien que « Libres ! » s’adressait plus spécifiquement aux adultes, un grand public de jeunes et adolescents regardait la série. Et elle ne fut pas la seule à le remarquer.

En effet, la motivation pour la création de « Tu n’es pas obligée » est partie d’une suggestion de leur éditrice : pourquoi ne pas faire un guide adressé aux adolescentes, qui serait plus adapté pour la jeunesse que « Libres ! » ? Comme Ovidie et Diglee se rejoignent sur beaucoup d’idées et que ce n’était pas leur premier travail ensemble, elles ont alors collaboré une nouvelle fois dans la création de ce livre. Ovidie nous raconte que, pour elle, ce livre est un guide plus dans le concret. Livre qu’elle aurait aimé lire adolescente. Ce qui est dit dans le bouquin sont des fondamentaux qui l’auraient aidée, plus encore dans une « époque où nous étions moins conscient.es du consentement ».

Lors de notre lecture du livre, nous étions d’accord pour dire que nous connaissions la plupart des sujets abordés et que, de par l’écriture, le livre s’adresse effectivement aux adolescentes. On y parle entre autres d’épilation, de maquillage, de régime et évidemment de sexualité, affirmant aux jeunes filles le lisant qu’elles ne sont pas obligées de suivre les injonctions. Chaque chapitre commence par le sujet qui va être traité, écrit comme une suite à la phrase qui fait office de titre au livre : « Tu n’es pas obligée… ». L’écriture est simple mais bien explicative, avec des tournures de phrases attractives pour les jeunes, sans être trop forcées. Chaque chapitre est aussi agrémenté d’une illustration de Diglee, drôle et parfois ironique. Diglee mentionne d’ailleurs dans ses remerciements certains personnages de la série Sex Education qui l’ont inspiré pour ses dessins. On en a repéré certains lors de la lecture !

Comme le souligne Ovidie, c’est aussi une piqûre de rappel pour ceux qui « savent déjà ». Ça fait du bien, poursuit-elle, de tout de même relire ces affirmations quand on est plus vieux. Et bien entendu, il en va de même pour les jeunes qui pensent tout savoir : il est vrai qu’aujourd’hui cette génération est plus connectée que jamais et aura sûrement déjà entendu parler de la plupart des sujets évoqués. « Il y a toujours des choses que l’on sait sur le papier mais que l’on n’a toujours pas intégré au quotidien », nous dit-elle. En effet, il n’est pas facile de déconstruire des oppressions nous concernant, même en étant au courant de leur existence. « C’est un guide qui fait appel à l’auto-indulgence, on fait ce que l’on peut. »

Nous en parlions plus haut dans l’article, mais ce livre travaille à déconstruire les injonctions faites aux femmes. Ovidie nous explique que ces injonctions sont plus pernicieuses que des obligations : on pense le faire pour nous-mêmes et pas pour les autres, mais en réalité on le fait car on a peur de s’éloigner de la norme et d’être rejeté.es. Les injonctions s’installent petit à petit au quotidien, quand on grandit, et on finit par les trouver normales. Concrètement, dans la loi, rien ne nous oblige à nous raser les jambes, mais la peur du regard des autres, de se faire juger, prend le dessus. Ovidie elle-même avoue que, pour elle, ça reste une lutte du quotidien. L’autrice continue à se demander « est-ce que je fais vraiment tout ça pour moi ou pour le regard des autres ? ».

Dans la préface de « Tu n’es pas obligée », Ovidie parle des injonctions à la masculinité, qui sont tout aussi importantes à aborder que celles imposées à la féminité. Nous lui avons alors demandé si c’était dans ses projets de parler de ce sujet. Elle répond non, ne se « sentant pas légitime pour ça ». Elle n’aurait pas assez travaillé sur les questions de masculinité et virilité pour évoquer ce sujet, qui l’aurait forcément plus préoccupée, surtout au niveau de l’éducation, si elle avait eu des fils.

Par contre, elle nous confie que c’est un marché à explorer car il y a en effet très peu de médias qui parlent de ces injonctions, et elle reçoit beaucoup de demandes pour se pencher dessus, ce qui prouve que ça intéresserait un grand nombre de lecteurs. Si vous voulez commencer à explorer un peu le sujet nous connaissons un très bon article disponible dans ce journal ! Sinon, si vous vous sentez prêts à vous lancer dans cette entreprise, vous aurez tous nos encouragements !

« Tu n’es pas obligée » est disponible depuis fin avril chez vos libraires. Aussi, ne manquez pas la nouvelle série fiction d’Ovidie « Des gens bien ordinaires », disponible sur Canal + : une histoire de renversement de pouvoir et de normes, dans un monde où les femmes ont l’ascendant sur les hommes.

Alexis Le Cocquen, Eden Le Reux

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