Comment la SexTech « éveille les esprits »

Nous avons eu l’opportunité d’interviewer Christel Bonny, CEO de SexTech For Good. Elle tente de revaloriser et de redonner une image positive à la sexualité. Ceci en aidant et en mettant en avant les nouveaux entrepreneurs qui veulent eux aussi changer et apporter quelque chose de nouveau dans le domaine de la SexTech.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Après avoir obtenu mes diplômes en communication, j’ai choisi de me lancer très tôt dans l’entreprenariat. En effet, j’ai décidé de fonder ma première start-up en 2008, avec pour but de créer un sextoy synchronisé avec de la littérature érotique. C’est comme ça que j’ai découvert le marché de la SexTech, qui correspond au fait d’innover dans tous les domaines de la sexualité, en lien avec la santé, la prévention et le plaisir. J’ai décidé d’arrêter mon aventure entrepreneuriale dix ans après, quand j’ai créé l’association SexTech For Good qui regroupe plus de 40 start-up aujourd’hui !

Pourquoi parle-t-on « d’écosystème favorable » à la SexTech ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Et est-ce juste ?

Ecosystème favorable veut dire faire reconnaître ce secteur comme un secteur d’activité et d’innovation avec des valeurs et un potentiel économique, soit pouvoir développer de manière simple et dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, pour les entrepreneurs qui veulent se lancer dans la SexTech en France, ça reste extrêmement compliqué. Effectivement, on peut comprendre que c’est un sujet qui dérange, qui n’est pas évident à aborder dans l’entreprenariat. 

Pourquoi est-ce compliqué de se lancer en France ?

On retrouve un modèle assez « patriarcale » dans le domaine de l’entrepreneuriat. La plupart des sociétés sont dirigées par des hommes, il est donc difficile de lancer des start-up qui créent des produits pour des femmes et qui ont été conçues par des femmes. La SexTech n’est pas forcément quelque chose de bien vu pour les investissements et il n’est pas facile de trouver des banques partenaires. En revanche, la Bretagne est une région très active dans le domaine de la SexTech !

Dans SexTech For Good, on retrouve pourtant principalement des femmes. Pourquoi ?

Avant tout parce que la SexTech est un environnement très féminisé et très féministe. Elle a donné l’opportunité aux femmes de créer des produits conçus pour elles et par elles. On a donc plus de femmes impliquées parce qu’elles se sentent plus impliquées notamment dans une industrie principalement dirigée par des hommes.

Quels sont les critères pour rejoindre la SexTech en tant qu’entrepreneur ?

Il faut avant tout porter un projet innovant. Mais attention, innovation ne veut pas forcément dire technologie, ça peut aussi être de l’inaction pédagogique ou d’usage. Il faut aussi adhérer aux valeurs de la SexTech, c’est-à-dire la liberté sexuelle et le plaisir pour tous. 

Comment faites-vous pour accompagner les porteurs de projet ?

On fait beaucoup de partages d’expériences. Ce qui permet d’avoir un réseau de communication interne important. On fait généralement des réunions une fois par mois sur différentes thématiques. Ceci afin de partager des informations et des idées. On fait aussi du coaching et de l’accompagnement industriel. Le but est de donner un avis sur les services, le marketing et comment trouver des investisseurs.

Quelle start-up vous a le plus marqué ?

Aucune en particulier, c’est plus un domaine qui m’a marqué. Ceux qui me plaisent le plus sont surtout ceux qui touchent à la nouvelle technologie, au métavers etc., notamment pour les Sexclus* car, pour l’instant, on ne s’occupe pas du tout d’eux. Il y a tellement de domaines différents comme la santé avec des entreprises qui vont notamment travailler sur l’endométriose, mais aussi dans l’éducation. Comme, par exemple, « CLIMAX », une start-up qui parle d’éducation aux plaisirs féminins avec la découverte de son corps.

Quel est l’avenir de la SexTech ? Allez-vous vous exporter à l’étranger ?

On a des connexions avec d’autres associations comme les Women of Sextech qui se trouvent aux États-Unis. On est en lien, aussi, avec d’autres personnes de la SexTech à Austin, au Texas, et avec Bryony Col en Australie, qui est la fondatrice du mouvement SexTech. Elle a notamment un podcast qui s’appelle « Future of sex ». Mais j’espère qu’on aura des produits qui vont s’exporter partout dans le monde. On a des petits jeunes qui viennent de se lancer dans un lubrifiant à base d’eau de coco, qui vient de Etats-Unis.

En résumé, selon vous, la SexTech a-t-elle influencé la société ?

Forcément, ce qu’on fait à une utilité, même à une petite échelle. Quelquefois, après des conférences, on a des retours positifs et on se dit que si on a changé la vie, ne serait-ce que d’une seule personne, c’est déjà ça ! Ça donne du sens à ce pourquoi on s’est levé le matin. Le collectif SexTech For Good cherche à changer la vision que les gens ont de la SexTech. Ce n’est pas de la pornographie. On a besoin de faire dans l’éducation à la sexualité et le plaisir est une partie fondamentale de la construction de l’être humain, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le but est d’éveiller les esprits et de questionner les gens sur la société qu’on veut. Et aujourd’hui, la technologie a changé certains comportements, positifs comme négatifs. Maintenant, on ne se rencontre plus comme avant. On est la génération des applications de rencontre et de la pornographie. La SexTech est là pour nous apporter plus de liberté et de plaisir.

Propos recueillis par Clément Gilberton

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