Création littéraire

Le vin, tout un univers !

Le nez dans le verre du muscadet Le Moulin de la Justice, de Julien Braud, et de l’anjou La Chaussée rouge, de La Grange-aux-Belles, les Hypocrites vous transportent bien au-delà du « j’aime » ou « j’aime pas ». Sensations garanties !

Imaginer un numéro des Hypocrites sur la gastronomie sans évoquer le vin ? Chose impossible ! Mais comment en parler ? Ses membres bien installés autour d’une table, la rédaction a finalement décidé de vous parler de vin en vous présentant deux cuvées via l’expérience de la dégustation. Ou comment se rendre compte qu’un vin n’est pas une boisson comme une autre mais aussi, pour celui qui le goûte, un objet de plaisirs, d’émotions, de débats, de commentaires, le vecteur d’un imaginaire et de sensations infinis.

Il a fallu d’abord les goûter les vins… A propos de la cuvée La Chaussée rouge, du domaine de la Grange aux Belles, en Anjou, on a tout entendu lors de notre dégustation : « il sent le bois mais je ne le reconnais pas au goût », « assez léger, avec un goût de fruit rouge », « pas fort mais très présent en bouche », « impression de jeunesse », « léger au début et plus présent après » ou encore « un vin de potes qui dépote »… Marc Houtin, l’un des trois vignerons du domaine explique : « nous n’avons pas la prétention de faire des grands vins, nous les voulons sains et vivants ». Loin des prestigieux châteaux de la Loire, lui et ses acolytes mènent cette propriété viticole d’une quinzaine d’hectares, sur la commune de Soulaines-sur-Aubance. Ils y produisent une douzaine de cuvées dont La Chaussée rouge, issue de l’assemblage de deux cépages – variétés de raisins -, le cabernet-franc et le grolleau. Comme les humains, les vins ont leur personnalité. Lui aussi. Simple et accessible, il peut satisfaire de nombreux palais. S’il était une personne, on le dirait sympa, convivial et sérieux à la fois. Un bon copain à qui on pourrait raconter ses histoires, ses problèmes. Jeune et mûr, il continue de s’épanouir après ouverture de la bouteille. Vivant, on dirait qu’il tient à rester libre dans son expression, dans le plaisir qu’il procure. Autre vin, autre univers, celui du Muscadet, vignoble qui se situe en grande partie au sud de la Loire, tout près de Nantes. Comme La Chaussée rouge, le Moulin de la Justice, sur l’appellation Muscadet, peut aussi être décrit comme une personne : on le verrait en charmant compagnon inspirant confiance, comme quelqu’un de réconfortant et d’attachant, s’attardant longtemps en bouche comme pour ne pas nous quitter, assez séduisant aussi, ménageant quelques effets de surprise pour dévoiler différentes facettes de sa personnalité.

Le vin peut être perçu comme un voyage aussi, à plusieurs niveaux. La cuvée Moulin de la Justice naît, comme tous les muscadets, d’un cépage venu d’ailleurs, le melon de Bourgogne… Un long périple pour un si petit grain de raisin ! De son petit domaine du Muscadet, ce vin a d’abord conquis les tables des bons restaurants nantais. Arrivé jusqu’à Rennes, jusque sur la table des Hypocrites, il nous a fait voyager avec ce côté subtil, où l’acidité savoureuse, accompagnée d’une douce harmonie d’agrumes, file droit vers nos papilles. Le Moulin de la Justice pose ses valises en bouche, l’habite avec persistance pour délivrer son verdict. Des arômes d’apéro estival relevés par une vivacité espiègle, c’est ainsi que ce vin suave se révèle d’abord, avec le miel qui se mêlent aux agrumes dans une danse délicate qui titille le palais. Une note saline pointe aussi, qui fait bientôt place à une douceur presque sucrée, imprimant un sentiment agréable et chaleureux, comme si le vin fondait sur la langue. Le tout sans lourdeur, avec cette couleur claire qui ajoute à la fraîcheur présente tout au long de la dégustation et qui rappelle la mer. Léger et fruité, ce muscadet peut aussi nous embarquer vers des notes plus relevées, sur l’itinéraire presque infini d’une palette aromatique complexe. Juste en le dégustant, d’abord en posant nos yeux sur sa robe, puis en portant notre nez dans le verre, et enfin en le mettant en bouche, le Moulin de la Justice fait voyager… Ils nous a enchantés à Rennes… Et on peut vous dire que son road trip en France ou ailleurs n’est pas terminé, loin de là !

L’équipe de l’Hypocrite spécial gastronomie

Avec Pierrick Jégu

Pierrick Jégu, le cœur et les pieds dans les vignobles

A l’occasion de ce numéro spécial Gastronomie, notre belle bande d’hypocrites a bu, sans modération, les paroles d’un connaisseur, journaliste et auteur, Pierrick Jégu. Réunis autour d’une table, nous avons savouré la passion de notre hôte. Ouvrons alors la bouteille de son partage personnel pour une saveur des plus naturels.

Journaliste pour plusieurs magazines et auteur, Pierrick Jégu est un fin connaisseur du monde du vin. Ce qu’il préfère ? Le contact, celui du terroir qu’il affectionne particulièrement. Ainsi, il aime se promener au cœur des vignobles et rendre visite aux producteurs, seules garanties de partir à la rencontre même de la base du produit. C’est en fait entrer dans l’intimité de création du vin et d’appréhender sa philosophie, de même que celle de ses créateurs. Voilà qui le motive alors à écrire des portraits de vignerons mais aussi de chefs cuisiniers.

Et puisque la presse impose des contraintes de signes et d’écriture, il apprécie pouvoir écrire ses propres livres en se tournant vers une approche pédagogique. C’est le cas du « Traité de Jajalogie », où il expose un guide ludique et instructif des vins d’une manière démocratisée ou encore du guide « Pépites de cavistes, les meilleurs vins près de chez soi », s’adressant aux amateurs à la recherche des meilleurs caves. La sensibilité de Pierrick Jégu au vin est celle de l’ouverture. Être disposé à une certaine largeur d’esprit permet d’oublier les a priori sur le vin car celui-ci peut influer par sa provenance, par exemple.

Lorsqu’il parle de vin, Pierrick Jégu est vite passionnant. Evolutif, vivant… au-delà d’un savoir unique, c’est toute une terre, une culture et une démarche qui s’offrent le temps d’une gorgée. Le vin a un tempérament, une personnalité. En prenant le temps d’explorer le vin, on y accorde un moment précieux à sa provenance, et donc à sa terre. Le vin fait partie d’un patrimoine culturel et offre alors un véritable voyage. En ce sens, l’appréciation d’un vin ne mérite, de son point de vue, pas de note car cela serait se placer en supériorité et oublier le coté vivant du vin et de la personne. Cela serait aussi omettre l’humeur ou les envies que l’on a lors d’une dégustation de vin.

Cette passion qu’il nous expose part d’une rencontre. Sa famille est amatrice de vin mais peu connaisseuse. Il prendra goût à l’univers du vin à l’Assemblée nationale, lors d’une dégustation non académique, à laquelle il participe grâce à la connaissance d’une amie. Ensuite, il assiste à des cours d’œnologie, qui manquent à ses yeux d’ouverture à une sensibilité et au ressenti que lui recherche. Tout un monde que Pierrick découvre alors. Le vin est devenu dès lors un outil d’expression, presque artistique, loin de la simple boisson. Expression d’une sensibilité sincère, il est le moyen de se laisser aller et de s’écouter dans ce qu’il peut nous procurer. Autrement dit pas de complexe à avoir et place à ses propres ressentis ! Après tout, les sensations que procurent cet alcool sont multiples et très personnels entre vocations de tendresse et réconfort pour les uns, nostalgie et mélancolie pour les autres.

Pierrick Jégu apprécie le vin qu’il qualifie de simple et de non démonstratif. Le vin peut être à lui seul un univers et être humanisé, incarné par une personne. S’il était un vin, il serait un vin fluide, très évident à boire. Celui qui donne la sensation de se faire du bien de manière essentielle. Habité par de solides connaissances et une passion des plus sincères, Pierrick Jégu aura donné un regard neuf et humain à notre perception du vin !

Grégory Geoffroy

Création littéraire avec Ali Khelil

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