Éducation à la sexualité : Mieux vaut prévenir que guérir

Avez-vous déjà eu des cours d’éducation sexuelle lors de votre scolarité ? Si oui, abordaient-t-ils des thèmes autres que la contraception et la transmission de MST ? Aujourd’hui, beaucoup s’accordent à dire que les savoirs transmis lors de ces rares interventions ne sont pas suffisants, et que des sujets tels que le consentement, le plaisir ou l’orientation sexuelle devraient être plus fréquemment abordés.

« Liberté Couleurs » est une association qui mène des actions d’éducation sur diverses problématiques telle la consommation, la citoyenneté mais aussi la sexualité. Emmanuelle et Vincent, employés de la structure qui nous ont accordé une interview, œuvrent notamment dans des lycées et des collèges pour délivrer un ou deux cours d’environ deux heures par classe.

Selon la loi, chaque élève devrait bénéficier d’au moins trois cours d’éducation sexuelle par an. Malheureusement, ce quota n’est presque jamais respecté, et beaucoup d’adolescents ne vont bénéficier que d’un chiffre limité d’interventions tout au long de leur scolarité. Les associations comme « Liberté Couleurs » souhaitent pouvoir œuvrer plus régulièrement auprès de jeunes dans le besoin, mais ce ne sont malheureusement pas eux qui décident du rythme de leurs interventions. Tout est organisé en fonction des besoins de l’établissement demandeur, ainsi que l’emploi du temps des élèves. Les cours d’éducation sexuelle n’étant souvent pas pris au sérieux, il est rare que des écoles sacrifient leur planning habituel à leur profit, même si théoriquement, la loi les y oblige.

Les cours étant peu nombreux et parfois un peu courts, les intervenants n’ont évidemment pas le temps de traiter en profondeur les sujets abordés. Face aux jeunes qui se retrouvent parfois sans réponse à leurs questions, ils n’ont d’autres choix que de les rediriger vers le planning familial, l’association Iskis ou encore l’infirmière scolaire.

Si un seul sujet est compliqué à traiter en profondeur, il devient impossible d’aborder tous les sujets concernant la sexualité. La thématique de l’intervention sera donc choisie en fonction des besoins de l’établissement ou des élèves. Actuellement, la parole se libère de plus en plus sur le consentement, l’orientation, l’identité de genre ou le plaisir… Seulement quelques années auparavant pourtant, beaucoup attestaient que leurs cours d’éducation sexuelle ne consistaient pratiquement qu’en l’apprentissage de quelques moyens de contraception, et à la prévention contre les MST. Des sujets d’une grande importance, mais qui, abordés seuls, ne sont pas suffisants et peuvent parfois générer la peur et l’appréhension.

Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes s’informent à travers les réseaux sociaux et Internet sur ces nouveaux sujets qui deviennent de plus en plus médiatisés. Une éducation souvent positive qui permet de s’ouvrir au monde ou d’apprendre à se connaître mais qui présente également des aspects négatifs, ce qui fait qu’il est très peu conseillé de s’y fier entièrement. Notamment à cause de l’influence inconsciente des réseaux sociaux ou de la pornographie sur la vision de son propre corps et sur la normalisation d’une sexualité peu réaliste.

C’est pour cela qu’Internet peut servir de base pour se questionner, mais qu’il est également nécessaire de recevoir une réelle éducation en complément, d’où l’utilité d’associations telles que « Liberté Couleurs ». Même si les intervenants peuvent transmettre leur savoir aux élèves et leur permettre une réflexion plus poussée et objective, ils n’ont pas l’autorisation de faire du militantisme, et de revendiquer leurs convictions personnelles. Cette règle reste floue et elle est très difficile à appliquer concrètement mais les représentants de l’association font leur possible pour ne pas prendre parti ni faire de politique. Ils agissent simplement en tant que médiateurs dans l’optique de favoriser l’échange entre les jeunes, en leur laissant tirer leurs propres conclusions. Selon Vincent, une seule ligne directrice est donnée lors des interventions : « L’épanouissement et le respect de chacun, et l’acceptation des différences des autres. »

Cette volonté peut notamment aider à créer un climat de confiance avec les élèves, chose parfois compliquée lorsque l’on parle d’éducation sexuelle avec des groupes de jeunes. Un des plus gros travails des membres de l’association est justement de rendre les jeunes réceptifs aux cours, de les faire écouter et de leur donner envie de comprendre. Pour atteindre cet objectif, il n’y a pas de recette miracle. Il suffit de poser un cadre dans lequel on s’écoute et on respecte la parole des autres, en toute confidentialité et sans jugement.

D’autres facteurs vont cependant jouer à créer un climat d’apprentissage, comme la facilité des échanges dans le groupe et leur dynamique ou le nombre de participants, qui est généralement optimal quand les classes sont divisées en deux. Lorsque ces conditions sont remplies, la plupart des élèves deviennent réceptifs, se remettent en question, et peuvent parfois apprendre des choses.

Malheureusement, il y aura toujours des exceptions. L’éducation reste parfois ancrée en nous de manière si persistante, qu’il est illusoire de penser qu’elle puisse être déconstruite, surtout en quelques cours. Parfois, notre rôle ne nous permet pas de changer les choses.

Pour clore notre interview, nous leur avons posé une dernière question : Pourquoi faites-vous ce métier ? Emmanuelle nous a mentionné ses anciens métiers dans la protection de l’enfance ou dans le contact avec des prostituées. Ce qui lui pesait le plus là-dedans, c’était d’arriver après les faits, après que quelque chose soit arrivé, et qu’elle n’ait pas pu l’empêcher. Elle a donc décidé d’œuvrer pour essayer de soigner le mal à sa source. Pour essayer de prévenir plutôt que de guérir, grâce à l’éducation.

Elisa Poulain

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