Être thanatopracteur, c’est avoir la peau dure

Il est du rôle de certains d’accompagner son prochain à travers les étapes les plus délicates de la vie. C’est, par exemple, le cas des thanatopracteurs. Nous avons pu faire la rencontre de Johan Guillard, dans le métier depuis 25 ans sur Rennes.

La thanatopraxie reste une pratique assez méconnue. Reprenons depuis le début : elle consiste à préparer les corps des défunts afin de les rendre présentables aux yeux des familles dans le cadre des cérémonies d’enterrement. Pour ce faire, les thanatopracteurs nettoient les corps et les désinfectent avant d’insérer dans les artères un agent chimique (le formol, à une dose de 1% sur un total d’eau). Le but étant de stopper la dégradation des cellules de manière temporaire. « On remplace le sang par cette solution, ce qui permet de redonner aux défunts un teint naturel tout en éliminant les bactéries », explique Johan Guillard, thanatopracteur depuis 25 ans.

L’injection de ce produit permet aussi d’évacuer les liquides encore présents. Par la même occasion, les gaz sont à leur tour drainés afin d’évacuer les odeurs les plus fortes et pour préparer le corps à la prochaine étape. Une fois ces protocoles effectués, les thanatopracteurs peuvent commencer l’habillage et le maquillage des défunts, selon les souhaits des familles. Les opérations s’effectuent en grande majorité dans des lieux spécialisés tels que les chambres funéraires, mais peuvent aussi se faire à domicile. L’ensemble de ces étapes s’effectue en une ou deux heures, bien que celles-ci peuvent aller jusqu’à cinq, en fonction de la complexité des soins apportés et de la cause des décès. Car, selon Johan Guillard, « il existe aussi les soins de restauration pour les personnes accidentées : c’est un peu l’inverse du cinéma où la cire est utilisée pour créer des plaies. Nous, nous faisons l’inverse. »

Après un tel descriptif du métier, on peut légitimement se demander ce qui pousse certains à le pratiquer, à coup de 300 soins par mois. Quel plaisir pourrait-on trouver, à la vue de défunts et vis-à-vis de leur traitement ? Johan Guillard nous répond : « Comme beaucoup de thanatos, j’ai découvert la thanatopraxie par hasard lors d’un décès dans ma famille. J’ai vu l’avant et l’après des soins et c’est ça qui m’a convaincu. C’est de ça dont on tire notre satisfaction dans notre travail. »

La thanatopraxie reste cependant un métier très exigeant sur le plan psychologique, et demande à quiconque souhaite la pratiquer d’être capable d’encaisser d’importantes charges émotionnelles. Pour faire face à ces défis, il est important pour les thanatopracteurs de faire abstraction des aspects sentimentaux des défunts, et de pouvoir en parler librement autour de soi. « A la maison, ce n’est pas un tabou. Depuis tout petits, mes enfants sont mis au courant et sensibilisés », décrit-t-il, ajoutant : « Le plus difficile, c’est lorsque l’on fait des soins sur des enfants. Si l’on ne prend pas de recul on ne tient pas. »

Guewen Merre

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