La fin des haricots

Le vendredi 1er Mars 2019, nous rencontrons au 4 Bis le conférencier et intervenant socianalyste Anthony Brault pour notre numéro sur la fin du monde. Au croisement de la collapsologie (étude de l’effondrement des sociétés humaines) et de l’éducation populaire, Anthony Brault nous présente un extrait de sa conférence gesticulée, « le plein d’énergie ou comment changer le monde en toute humilité ». Nous espérons tous avoir des réponses aux questions que cela peut poser en termes de changements. Le cadre a pour atout d’être convivial et donc propice à l’échange. Nous vous racontons.

Présentations

Anthony Brault demande de lui poser des questions sur lesquelles il peut construire son intervention. Les questions fusent alors dans la pièce : Comment sera le futur proche, lointain ? Que pourrait-on faire pour l’empêcher ? Pourquoi ne fait-on rien ? Le monde tel qu’il existe, vaut-il la peine d’être sauvé ? Quelle est la définition et la place de la question sociale dans la collapsologie ?
Après son bac, Anthony Brault choisit les sciences économiques avec l’envie de changer le monde et se demande pourquoi les flashs de France Info parlent du cours du pétrole et du CAC 40, alors que ceci ne concerne qu’une minorité : les plus riches.
Au fil de ses études, il accumule des données autour de l’économie de marché du pétrole. Entre découvertes et stupeur, il décide de monter une conférence gesticulée afin de transmettre ses informations. En 2008, il parlait déjà de la fin du pétrole. Heurtant les sensibilités, il décide entre 2008 et 2015 de prendre du recul et de ne plus dire ce qu’il sait.

Anthony repart à l’aventure

En 2015 paraît l’ouvrage best-seller Comment tout peut s’effondrer, de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, dans lequel ils s’appuient sur différents travaux d’experts en écologie, alertant qu’il est peut-être trop tard… Ce livre jette un pavé dans la mare car il dépolitise la chose. Et depuis, Brault n’est plus considéré comme un fou.
Aussi nous présente-t-il la définition de la collapsologie et nous cite également la définition d’un écologiste, Yves Cochet, ancien ministre de Jospin : il y a effondrement quand les services de bases ne sont plus donnés à la population, c’est-à-dire l’eau, la nourriture, le chauffage ou encore l’essence. Anthony situe la date de cet effondrement aux alentours de 2020-2025, en nous disant toutefois, qu’il n’a pas de date précise.

Explications

Il nous propose de participer à un jeu. Le but étant de trouver par nous-même les trois secteurs qui consomment le plus de pétrole. Le tiercé gagnant ? le transport routier (40%), le chauffage (25 %), et le transport aérien (15%). Nous sommes stupéfaits que le plastique ne soit pas dans le haut du panier, de même que les vêtements, les médicaments ou l’agriculture productiviste.
Puis vient un autre jeu qui consiste à nous remémorer comment vivaient nos grands-parents, il y a 50 ans. Notre mode de vie a été bouleversé par le pétrole et donne l’impression que l’on ne peut pas s’en passer. Et force est de constater que nos grands-parents se débrouillaient très bien sans tous les progrès techniques et technologiques que nous connaissons…

De plus, il nous explique que le pétrole suit une courbe en cloche. Si les instances ne cessent d’investir dans le domaine, il est à constater que d’années en années, la production baisse car nous avons dépassé le pic de la production de pétrole en 2006 (!). Conséquences directes ? La fin du pétrole bon marché (et la baisse de sa consommation enregistrée). Actuellement on est dans un plateau en forme de tôle ondulée, où le pétrole reste d’une manière assez stable en prix, 2020 étant cependant la fin de ce plateau. La sortie de ce plateau entraînerait une perte du pouvoir d’achat car les transports vont coûter de plus en plus cher, ce qui mettrait fin à la mondialisation des transports. La croissance devenant négative, le chômage de masse exploserait ainsi que l’inflation des monnaies. Pour donner un exemple concret, les français perdraient environ 300 euros par mois dans leur budget. Autant dire que les gilets jaunes ont de l’avenir…

Des changements politiques et économiques à prévoir

Les gens, heurtés, risquent de montrer leur mécontentement, avec pour risque de se tourner vers les hommes politiques autoritaires qui veulent un « monde comme avant ». Ceci oscillerait entre le modèle inégalitaire de type Bolsonaro ou bien une politique de rationnement égalitaire comme l’a vécu l’Angleterre durant la seconde guerre mondiale.
Aussi, pour garantir aux peuples le même niveau de vie, les guerres liées au pétrole ne cesseraient et, de surcroît, se propageraient.
En 2025, d’après plusieurs collapsologues, nous nous dirigeons aussi vers la fin de l’automobile individuelle, la fin du tourisme de masse.
Sans compter que les famines seront de plus en plus existantes. Aujourd’hui déjà, environ un milliard d’êtres humains ne mangent pas à leur faim. La production de viande sera moindre et puisqu’elle concerne la moitié de la production de céréales dans le monde, les denrées alimentaires s’amoindriront de façon automatique.
Concernant la Terre, il évoque neuf limites à ne pas franchir sous peine que la Terre ne devienne plus vivable pour l’espèce humaine. La bonne nouvelle c’est que l’on a réussi  à résorber le trou de la couche d’Ozone. Les huit autres sont arrivées à un point de non-retour comme par exemple les questions du réchauffement climatique, de l’extinction de masse de nombreuses espèces, l’acidification des océans, la contamination des sols par le carbone et l’azote (créant la désertification).
Tout ceci créé et créera à l’avenir plus de migrations de type écologique. En 2100, faute de quoi, il y aurait 3 à 4 milliards d’humains de moins sur Terre, « soit dix Shoah par an, en un siècle… » pour reprendre ses termes.

Il va falloir se serrer la ceinture et se montrer plus solidaire !

Dans le futur, il va ainsi falloir se serrer la ceinture ! L’eau va devenir moins potable, de même les terres moins cultivables, la pollinisation devra se faire à la main, comme le fait déjà d’ailleurs la Chine.
Pour la santé, ouf de soulagement, il prédit qu’elle serait meilleure, nous citant l’exemple de Cuba, pays ayant subi un embargo de 1962 jusqu’aux années 2010 et qui a le meilleur système de santé du monde, car ils ont su s’adapter et former sur le tas beaucoup de médecins pour pallier à cette situation d’urgence.
A la fin de la conférence, une question subsiste chez nous : Mais qu’allons-nous devenir ? Anthony Brault s’appuie sur ce que pense Yves Cochet : l’avenir selon lui ? Nous deviendrons des zadistes, avec pour désavantage, une perte importante de confort de vie, mais avec comme avantage, autre motif d’espoir, une population plus solidaire et bien plus soucieuse de son prochain. Devons-nous alors faire un stage d’immersion à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour nous préparer à cette éventualité ? Cette finalité nous plonge, ne nous en cachons pas, dans une certaine forme de scepticisme…

Avons-nous vu un prêcheur ou un visionnaire ? nous ne le savons pas et le saurons à l’avenir, le discours d’Anthony Brault, bien qu’il apporte des arguments pertinents, garde une certaine part de subjectivité. Nous préférons retenir les notes d’espoir. Peut être une façon pour nous de nous rassurer ou alors de nous voiler la face…

Richard Bourillon

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