Jean-Louis Brossard, le visage des Trans Musicales

Jean-Louis Brossard, le visage des Trans Musicales

Il incarne le festival depuis plus de 40 ans et il est de ceux que la passion fait vivre. Chaque année, Jean-Louis Brossard essaie de transmettre cette passion au sein du festival des Trans Musicales de Rennes. Un événement mythique dans la culture rennaise.

Pour rencontrer Jean-Louis Brossard, il faut s’aventurer dans une ancienne maisonnette du centre-ville de Rennes. Rien à voir avec un open-space ultra design. Ici, l’ambiance est agréable, sans prétention. Les oiseaux chantent et seule une feuille A4 scotchée sur la porte annonce que nous sommes bien au siège des Trans Musicales. A l’intérieur, après avoir longé le couloir et tourné à gauche, c’est une évidence : on n’entre pas dans le bureau de Jean-Louis Brossard, on pénètre dans son antre. Au sol, le parquet ancien suffoque sous le poids des vinyles. De tous côtés, les grandes étagères en bois débordant de CDs et de livres paraissent sur le point de s’écrouler. Au centre, le petit bureau baigne dans l’unique rayon de lumière de la pièce. A droite et à gauche, du jazz, du rock, les Beach Boys ou Ennio Morricone. En fond, le vinyle de Kids Return résonne. Au milieu de cette collection immense, un homme, passionné, Jean-Louis Brossard. Cofondateur et actuel directeur des Trans Musicales, il incarne le festival et lui donne un visage. Il est concentré, assis à son bureau, derrière de petites lunettes rondes. Pour parvenir jusqu’à lui, il faut enjamber Miles Davis et bousculer Etienne Daho. Enfin, la discussion peut commencer : qui est cet homme dont la passion a fait vivre les musiques actuelles à Rennes depuis tant d’années ?

Jean-Louis Brossard naît en 1953. Son père est musicien, joueur de basson, plutôt musique classique. A sa demande, il commence le violon mais « préférai(t) aller jouer avec les copains que bosser le violon le soir », plaisante-t-il.  Sa passion pour la musique lui vient autrement. « Je m’endormais tous les jours avec la radio collée à l’oreille, vers minuit ou 1h du matin », confie-t-il. Il est bercé par « cette émission extraordinaire », le Pop Club, qui lui fait découvrir le rock, le jazz et le blues. En réaction à la musique que pratiquait son père, Jean-Louis Brossard plonge dans le milieu rock, en adopte le style, veste afghane sur le dos et cheveux longs, et part voyager en Angleterre, berceau du rock. A ce moment-là, il profite de la musique par plaisir, sans penser qu’elle pourrait l’accompagner toute sa vie : « Je n’ai jamais rien projeté dans la vie, je n’avais pas prévu d’en faire mon métier. » A Rennes, il s’inscrit en médecine, toujours guidé par les ambitions parentales, mais il passe son temps chez le disquaire du coin. « Dès qu’il y a un petit concert, j’y suis », dit-il amusé.
A cette époque, Jean-Louis Brossard décrit Rennes comme « une ville bourgeoise qui dort », avec peu de diversité et d’évènements musicaux. Un manque qui nourrit sa frustration et le pousse, en 1979, à fonder avec Béatrice Macé, Hervé Bordier et Jean-René Courtès, les Trans Musicales de Rennes. Avec peu de moyens, elles s’apparentent un peu à « un concert de soutien », et représentent surtout « l’occasion de montrer la scène rennaise aux Rennais », explique-t-il. Son appartement, au 22 rue Nantaise, devient un carrefour de musiciens et de passionnés. Jean-Louis Brossard reste bénévole pour les Trans Musicales jusqu’en 1991. Il profite de l’instant sans vraiment chercher à établir un plan de carrière pour la suite. En parallèle, le festival prend de l’ampleur et s’enracine dans le champ fertile de la musique rennaise.

« En 40 ans, des choses se sont construites », relève-t-il. Le festival a évolué, il est devenu une institution rennaise. Aujourd’hui, c’est une opportunité pour les jeunes artistes de s’exprimer et pour le public de les écouter. Le festival s’installe en 2004 dans un lieu mythique de Rennes qu’il ne quittera plus : le parc expo. « C’est absolument génial. Tu cours partout, il y a plein de gens, ça bouge. Tu peux t’arrêter manger, boire un truc, il y a plein de styles de musique, on fait des expos, on fait plein de choses… Enfin, c’est dément », s’enthousiasme le directeur. Dans ce dédale d’espaces sont, chaque année, rassemblés de jeunes artistes peu connus dont les styles hétérogènes ont en commun d’avoir tous été sélectionnés par l’oreille attentive de Jean-Louis Brossard. « C’est assez rapide, c’est instinctif », dit-il : « Je réagis quand une musique me touche, quand je mets un morceau et que je trouve ça génial, que je n’ai jamais entendu ça avant parmi les millions de choses. »
Jean-Louis Brossard, c’est une oreille qui ressent la musique, c’est une voix rocailleuse qui aime en parler, ce sont des jambes qui s’ennuient lorsqu’elles ne bougent pas en rythme. C’est une personnalité qui aime les musiciens, leurs ressources, leur univers, et qui veut les aider. C’est un homme que la musique habite. A 69 ans, il n’envisage pas de louper une seule édition du festival : « Moi, à partir du moment où je suis debout, je vais naviguer sur toutes les scènes, je rencontre les artistes, et je repars avec le dernier groupe qui vient de finir de ranger son matos, parfois à 7h du mat’, voilà. »­. Il aime particulièrement le moment de partage que représente le festival, et les rencontres qu’il permet. C’est pour cela aussi que ce dernier accompagne des groupes locaux tout au long de l’année pour peaufiner leur projet et participer à la tournée des Trans dans les salles partenaires du Grand Ouest avant la date finale au parc expo. « Je les aime tous », confie Jean-Louis Brossard, avec un air presque paternel à propos des artistes programmés cette année. Car le festival repose sur l’amour, l’amour de la musique, l’amour du public, l’amour qui naît de ces rencontres.

Ilouna Chavot

Sur le même thème

Jean-Louis Brossard, le visage des Trans Musicales

En studio

Crème Brûlée Records, une spécialité dinanaise