Un grain de beauté

Souriez, vous êtes beaux !

S’atteler à la question de la beauté, ce n’est pas chose facile. Elle nous concerne tous, qu’on le veuille ou non. On se sent démuni devant elle, avec nos complexes que les tonnes d’images sur les réseaux sociaux font grandir. La beauté semble davantage se trouver là où on veut bien la voir, surtout dans l’acceptation de soi, et est bien loin de pouvoir être réduite au fait d’être simplement né bien doté… Idée inaccessible, rien ne semble être à sa hauteur pour pouvoir répondre à son exigence de perfection. Pourtant nous trouvons beaucoup de choses belles, et souvent c’est le défaut d’une chose qui la rend belle et fait sa particularité.

Alors que la question de la beauté semble être devenue obsolète dans le domaine de l’art contemporain par exemple, elle s’est rabattue tout entière sur nos corps, à coup d’injonctions toujours plus extrêmes.

Trop gros.se, trop maigre, trop grand.e, trop petit.e, trop foncé.e.… Nous sommes toujours trop en et en même temps nous ne semblons jamais suffire pour atteindre cet idéal. Il est même possible aujourd’hui d’appliquer un golden ratio sur les visages (outil dont se servent largement les filtres sur les réseaux) : grâce à une équation mathématique conçue au temps de la Grèce antique, basée sur le chiffre Pi (plus connu comme étant le nombre d’or), nous sommes capables de déterminer si un visage est beau ou non. Ce serait donc aussi simple ? On en doute, et cela devient très ennuyeux.

Il devient nécessaire de rendre la beauté laide. Il faut déborder du cadre, tout éclabousser de nos chairs, de nos bouts de corps qui ne rentrent pas dans les jeans taille 44 vendus comme taille 38, des cheveux gris, trop frisés, de peaux jugées trop foncées.

L’équipe de l’Hypocrite vous propose dans ce numéro de passer du grand concept philo du beau à nos cosmétiques de salle de bain, en vous en faisant voir de toutes les couleurs, des gros, des vieux, des poilus, du makeup extravagant. Autant de beautés que de personnes, parce que c’est quand-même plus marrant.

Rappelez-vous, « L’étrangeté est le condiment nécessaire de toute beauté » (Charles Baudelaire)

Lucie Tostain

Pour l’affiche de ce numéro, nous avons travaillé avec Samuel Kirszenbaum. Photographe- journaliste de renom, il aime photographier les gens et fait aussi bien des photos du public lors de concerts (il couvre les Transmusicales à Rennes) que des portraits d’artistes connus : Pierre Niney, Jean-Baptiste Zadi, Virginie Efira ou encore Bigflo et Oli.

Depuis qu’il est petit, Samuel Kirszenbaum est passionné par la photographie. Lorsqu’il a eu neuf ans, ses parents lui ont offert un appareil photo. Il l’amenait avec lui à l’école. Il attendait que le maître soit parti puis il tapotait sur l’épaule de ses copains et « bam » il les prenait en photographies. Depuis, il continue cette méthode : il préfère les photos spontanées.

Il a appris la photographie en créant des magazines. Aujourd’hui ses photos sont publiées dans des grands médias tels que Libération, Le Monde ou encore Society. Si vous commencez dans la photographie, un conseil que vous donne Samuel Kirszenbaum est de créer des magazines !

Adepte des bibliothèques ainsi que des expositions, leur fréquentation lui permet de découvrir le travail d’autres photographes. Ça l’amène à reconsidérer sa perception du monde. Sa vision de la société et le regard qu’il porte sur nous change : pour lui « c’est l’un des rôles de la photographie ».

Le pouvoir narratif de l’appareil photo est très important pour Samuel : avec un objet comme celui-ci, il peut raconter pleins d’histoires. C’est un moyen de rencontre et d’attention porté à l’autre. C’est donc devenu son métier. Il ne trouve pas son inspiration dans le passé mais plutôt avec les jeunes. Il est tourné vers le futur. C’est d’ailleurs pour ça qu’il est prof. Il s’inspire des conversations, de tout ce qu’il voit et entend aussi bien des personnes que des films, des peintures et de la musique.

Samuel Kirszenbaum ne se considère pas comme un artiste mais plutôt comme un artisan. La différence est que l’artiste va créer son imaginaire alors qu’un artisan va répondre à une commande.

Un de ses projets en cours m’a particulièrement intéressée : c’est une exposition à la Bibliothèque Nationale de France à Paris.  Son objectif est de prendre en photo à l’argentique les jeunes de 12 à 17 ans dans le lieu où ils ont passé leur confinement. Pourquoi les jeunes me direz-vous ? Car ils ont été très peu malades, sont vite retournés à l’école mais ont aussi été très impactés par le confinement.  C’est donc une façon de leur donner la parole en image, de recueillir leur histoire. Ce qui est génial, c’est qu’il n’a pas pris des photos des jeunes qu’il connaissait mais il s’est intéressé aux jeunes de toute la France et de différents milieux sociaux. Pour ce projet, il a privilégié la photo argentique pour un rendu plus vrai lui permettant de raconter les histoires de la jeunesse.

Travailler avec lui sur l’affiche de ce numéro a été une chouette expérience. Sa pédagogie nous a permis d’avoir des réponses nos questions.

Safia BOUHADDI

Petites sélections d’articles

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Quand mon miroir me ment

Gaël Duvergé nous explique que « globalement en psychiatrie classique, la dysmorphophobie est une certitude chez la personne qu’il y a quelque chose dans son corps, dans son image, qui est affreux et dont elle souffre. C’est pathologique. »
11 avril 2023/par Carine Peynaud

La beauté cachée des laids

interviewer Jean-François Marmion, psychologue, ex journaliste scientifique pour la revue Sciences Humaines et ex rédacteur en chef de la revue Le Cercle Psy. Il est également l’auteur de nombreux livres sur la psychologie tel que Psychologie de la Connerie et Psychologie des Beaux et des Moches (celui dont on va parler aujourd’hui). En effet, ce dernier amène énormément de questionnements autour de la beauté : est-ce que la beauté est un concept universel ? Comment est-ce que l’apparence influence nos comportements ?
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À propos du muscle

Tous musclés ! (J. Momcilovic, C. Juza, 2019) est une websérie documentaire de dix épisodes de 5 minutes diffusée sur Arte qui explore le culte du muscle dans nos sociétés contemporaines à travers une approche anthropologique, philosophique, politique et économique. Nous avons eu la chance de poser nos questions à Camille Juza, co-réalisatrice, du documentaire.
7 avril 2023/par Carine Peynaud

La lente flèche de la beauté

La discipline de l’esthétique (ou la philosophie de l’art) a ceci de particulier pour moi qu’elle me paraît appréhender des objets qui nous sont à la fois courants (nos perceptions, la nature, l’art, la beauté, etc.) et curieusement insaisissables. Je veux dire par-là que ce sont des objets dont j’éprouve les plus grandes difficultés à tracer les contours.
7 avril 2023/par Carine Peynaud

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On aime être généreux