La beauté cachée des laids

C’est avec un grand plaisir que j’ai pu interviewer Jean-François Marmion, psychologue, ex journaliste scientifique pour la revue Sciences Humaines et ex rédacteur en chef de la revue Le Cercle Psy. Il est également l’auteur de nombreux livres sur la psychologie tel que Psychologie de la Connerie et Psychologie des Beaux et des Moches (celui dont on va parler aujourd’hui). En effet, ce dernier amène énormément de questionnements autour de la beauté : est-ce que la beauté est un concept universel ? Comment est-ce que l’apparence influence nos comportements ? Sommes-nous victimes de discrimination à cause de notre physique ? etc.

Quel lien existe entre la psychologie et l’apparence physique ?

Bien que l’apparence physique soit un sujet peu traité par la psychologie, elle reste un grand sujet de préoccupation de nos quotidiens.

Le matin on se lève pour voir dans le miroir que l’on est « trop comme ceci » ou « pas assez comme cela », on se demande « comment est-ce que les autres vont nous juger ? » ou « est ce que notre apparence correspond à notre soi intérieur ? ». On s’interroge tous sur notre physique et il est rare de voir des gens qui se sentent bien dans leur peau, qui se trouvent beaux ; on aura même tendance à les trouver prétentieux comme si on était tous obligés de se trouver un petit peu moche.

Finalement, on s’interroge plus souvent sur son apparence plutôt que ce que l’on a à l’intérieur.

Est-ce que la beauté existe ou est-elle une invention de notre cerveau ?

La beauté est forcément une invention de notre cerveau car elle n’existe que parce qu’il y a un spectateur, il peut y avoir des fonds marins remplis de coraux magnifiques, s’il n’y a personne pour les voir : ce n’est pas beau.

Bien que l’idée de la beauté soit universelle, elle peut varier selon la société, l’époque, la mode ou l’individu. L’humain a un sens de l’esthétique très développé. On peut trouver qu’un visage est beau, qu’un paysage est beau, qu’un acte est beau… Cela va au-delà de quelque chose que l’on trouve joli, il y a une dimension morale derrière. C’est à dire que si on trouve une personne belle, on lui imagine aussi une bonne morale. Que si un fruit est beau, il a forcément bon goût.

Y a-t-il une discrimination entre les beaux et les moches ?

Oui, mais on ne s’en rend pas forcément compte. Bien qu’on puisse consciemment se dire qu’une personne est belle ou moche, il est devenu un automatisme pour nous de juger quelqu’un au premier coup d’œil. À la seconde où l’on va rencontrer une nouvelle personne, on va s’écrire un roman sur elle : si elle est belle, elle doit forcément être gentille, intelligente, compétente. Si elle est laide, elle doit forcément être méchante, bête et maladroite. Ces aprioris peuvent influencer nos comportements : on peut le remarquer dans la séduction où on est le plus souvent attiré par un physique avantageux ou bien à l’école où l’on donne de meilleures notes aux personnes belles ou encore au tribunal où l’on donne de plus lourdes peines aux personnes moches. Ce n’est qu’en approfondissant cette relation que l’on peut se rendre compte que l’on s’était trompé mais souvent la première impression nous dissuade de le faire.

Aujourd’hui, la loi nous interdit de discriminer un individu pour son apparence physique mais il y a une ambiguïté car on a deux apparences : l’apparence que l’on n’a pas choisie et celle que l’on choisit.

La loi condamne la discrimination sur l’apparence que l’on n’a pas choisie comme son corps, sa taille, sa couleur de peau ou sa forme de visage… Par contre, il est plus difficile de se défendre pour l’apparence que l’on choisit comme sa façon de s’habiller, son hygiène de vie… En somme, si on se donne de la peine pour s’arranger.

Est-ce qu’il est possible d’échapper à ces préjugés ?

Non, mais il est possible de faire attention.

Comme pour notre respiration qui est devenue pour nous un automatisme, on peut s’en rendre compte et les contrôler. Par exemple on peut trouver quelqu’un moche et prendre du recul sur ses aprioris, se dire qu’on juge cette personne sans la connaître sur la base d’un critère superficiel mais on ne pourrait pas le faire à longueur de journée à chacune de nos rencontres. On ne trouverait plus le temps de vivre. On peut toujours essayer de jouer sur la culture et l’éducation, d’enseigner à nos enfants de ne pas juger sur le physique ou de se réunir pour combattre ces discriminations et faire comprendre aux autres qu’on n’est pas des guignols et qu’on est aussi humain.

À quoi ressemble votre idéal de beauté ?

Blonde ? Brune ? Rousse ? Peu importe. Mon idéal de beauté serait une beauté qui véhicule de l’émotion, qu’elle ne soit pas glacée. Un visage parfait, symétrique, juste « Beau », ne m’intéresse pas : je veux voir une touche humaine derrière. On peut considérer qu’une personne est belle mais sans une imperfection qui nous raconte une histoire ou un vécu, ça ne donne pas envie d’aller vers elle. On se dit qu’elle joue que sur la beauté et qu’elle n’est pas intéressante et des personnes que l’on trouve belles du premier coup d’œil il y en a plein les télé-réalités et on les regarde pour se dire : « Vous êtes beaux mais vous êtes cons ». Finalement, est-ce que c’est avec quelqu’un de beau que l’on souhaite passer une soirée ou sa vie ?

Des projets pour l’avenir ?

Je sors en mai une BD du nom de L’incroyable histoire de la psychologie qui retrace l’évolution de la psychologie du néolithique jusqu’à aujourd’hui. Un autre sur le burnout avec Philippe Zawieja qui est expert sur le sujet et une dessinatrice qui s’appelle Mademoiselle Caroline. En septembre je vais sortir deux autres BD sur le bonheur et les HPI. Et sinon, j’écris d’autres bouquins sur la culture Pop comme Friends ou Kaamelott.

Eugenio Hénonin

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