Mangez des courges, n’en devenez pas une !
La science à sa place à table. C’est pourquoi, interviewer Philippe Legrand, auteur du dérangeant « Coup de pied dans le plat » (1) et chercheur-enseignant en nutrition à l’Agrocampus-Rennes, était crucial. Pour clouer la girofle aux rumeurs alimentaires, rien de tel que la vérité nutritionnelle qui, elle, prône l’équilibre !
Soyez prêt à ce que Philippe Legrand crache un peu dans votre soupe, toutefois avec humour et des preuves scientifiques à l’appui. Cet ouvrage cassera vos mythes alimentaires : ceux de mémé et de vos YouTubeuses préférées. L’entrée du livre n’est qu’une mise en bouche de la nutrition. Une vulgarisation permettant de comprendre comment le dessous de notre six pack (les bons abdos) fonctionne. L’apport de connaissances est sa priorité. L’objectif ? « Mourir moins bête et sans aucune carence ». Le plat de résistance déconstruit ensuite tous les gentils héros et méchants alimentaires : l’huile de palme, le cholestérol, les produits allégés, l’alcool, les pilules amincissantes, le lait infantile… On constate que tout n’est pas toujours noir ou blanc et que nos a priori sont souvent le fruit du marketing et du scandale scientifique crié trop tôt. Le dessert, quant à lui, replace le débat dans un contexte politique, social et éducatif. Qui peut nous dire qui est nutritionniste ? Qui sont les charlatans ? Pourquoi ne sommes-nous pas suffisamment éduqués dans nos assiettes ? Le spécialiste des acides gras y répond sans mâcher ses mots. Mais surtout, il nous déculpabilise de nos mauvais coups de fourchette.
> Régimons tout ça !
Là où Philippe Legrand souhaite faire la différence c’est qu’il n’est pas un vendeur. Dukan et tout autre régime amincissant miracle n’ont pas lieu d’être dans le domaine de la nutrition. « Cet ouvrage n’a rien à vendre, rien à prescrire », souligne-t-il. Aujourd’hui, les régimes alimentaires sont plus variés, et pas toujours avec un objectif bikini, mais peuvent être tout aussi problématiques nutritionnellement parlant, selon lui. Confirmant que l’homme est omnivore, l’éviction des produits animaux est, selon lui, très dangereuse. L’équilibre se joue entre le choix de la santé et de l’enjeu écologique que représente ces nouveaux régimes alimentaires : végétarien, vegan, pesquetarien, flexitarien… L’idéal serait d’ajuster nos apports en protéines végétales et animales au même niveau. C’est là où le manque de savoir est problématique, d’autres régimes plus « thématiques » naissent et engendrent de plus en plus ce trouble alimentaire qu’est l’orthorexie : l’obsession du manger sain. Un trouble dénoncé par le professeur et qui fait écho aux régimes paléo, sans gluten, Low Carb et bien d’autres qu’on inventera dans un futur proche.
> Méchant bio, gentils pesticides ?
Le bio est-il utile à notre société et contribue-t-il à une agriculture plus saine et respectueuse de son environnement, et à quelle échelle ? Le bio se qualifie comme une production agricole sans présence d’engrais ni de pesticides de synthèse. Une production 100% naturelle en somme.
En premier point, l’agriculture bio constitue donc une production plus saine et écologique, par la seule utilisation de produits naturels qui ne détériorent pas la faune et la flore.
Le deuxième argument mis en valeur quant à ce label est celui de la santé. Le bio serait meilleur pour la santé en raison de l’absence de pesticides chimiques. Le débat sur la question poursuit son cours entre ceux affirmant les bienfaits du bio et ceux n’y voyant pas d’avantage direct tant la part en résidus de pesticides serait minime dans la nourriture consommée.
L’argument majeur du bio se base donc sur la manière dont sont produits les aliments par rapport à une agriculture moderne plus dépendante de l’usage de ces pesticides chimiques. Philippe Legrand nous rappelle premièrement l’importance de l’usage des pesticides dans l’évolution de l’alimentation humaine au cours des siècles, leur usage ayant permis à des générations d’effacer radicalement le problème de la famine lié à des productions insuffisantes.
Selon lui, la question des pesticides serait avant tout une question de dosage et de balance, il faut par conséquent trouver un juste milieu entre bénéfices et contreparties de sorte que leur utilisation soit légitimée. Devrions-nous cependant être encore aujourd’hui dépendants de l’utilisation de ces produits, d’autant plus que nous connaissons ses effets néfastes sur la nature ?
La bio a également l’inconvénient d’un coût plus élevé par rapport à la vaste majorité des aliments proposés dans nos rayons, ce qui limite son accessibilité pour les foyers les plus modestes. En d’autres termes, le choix du bio reste pour le moment un choix idéologique, au nom d’une production plus respectueuse de l’environnement. Il ne possède cependant, selon le chercheur, pas d’avantage nutritif connu à ce jour par rapport aux aliment issus de l’agriculture industrielle.
> Food Education
Mangez 5 fruits et légumes et buvez 2 litres d’eau par jour, pour votre santé ne mangez ni trop gras, ni trop sucré, ni trop salé… Autant de slogans qui ont forgé notre éducation alimentaire. Comment décider de ce qui se trouve dans nos assiettes ? Une des premières solutions mises en avant par Philippe Legrand est la vulgarisation scientifique. Dans le cadre d’une éducation populaire, le rôle des professeurs est de transformer le savoir brut venant de la recherche en des connaissances transmissibles à ceux qui s’y intéressent. En d’autres termes, rendre la science plus accessible et compréhensible pour tous par le biais de ces détenteurs de connaissances. Un travail déjà mis en avant par les professeurs de tout temps ou, pour prendre un exemple plus récent, par les youtubeurs et vidéastes en ligne.
L’éducation doit aussi se faire au plus jeune âge au sein des établissements scolaires, de sorte à sensibiliser la jeunesse aux enjeux de l’alimentation, mais aussi au sein même des foyers où les parents se doivent d’habituer leurs enfants à de bonnes habitudes, par le biais d’une alimentation saine et équilibrée. Enfin, l’éducation alimentaire se poursuit dans la lutte contre la désinformation et le manque de clarté dans les rayons de supermarchés.
On peut noter certaines avancées dans ce domaine notamment avec l’apparition du Nutriscore, une initiative qui constitue un progrès, selon Philippe Legrand. Il présente néanmoins encore bon nombre de failles et d’imperfections : absence de notions de portions, danger de noter les produits naturels très peu transformés, notation caricaturale pour les lipides…
Si vous étiez dans l’impératif de ne retenir qu’une notion clé, gardez bien à l’esprit qu’il n’y a ni solution miracle ni magie noire dans vos assiettes, le tout est de garder le contrôle de ce que vous mangez, et cela commence par la question essentielle du dosage. Vous ne trouverez ici ni régime spécial ni poudre amincissante en promotion, seulement un concentré de bon sens et un zeste de raison !
(1) Coup de pied dans le plat, Pr. Philippe Legrand, 2015, Ed. Marabout
Mélissa Mocquot et Guewen Merre
Création littéraire avec Pierrick Jégu
Femme en cuisine, c’est « prouver qu’on est aussi forte que les autres »
Mangez des courges, n’en devenez pas une !
Se Faire food, oui, mais pas avec n’importe qui