Penser l’ignorance de l’inévitable : Ce sera un accident d’avion pour moi, s’il vous plait
Etant donné le thème de ce numéro, l’organisation d’une rencontre avec le professeur de philosophie Eric Chevet, auteur de deux essais sur notre rapport à la mort (1), était de rigueur. Ses recherches scientifiques témoignent d’un désir de traiter ce sujet « comme un autre ».
Nous devenons des control freak (obsédés du contrôle) de notre vie et surtout de notre mort. Voilà ce dont la lecture et la rencontre avec Eric chevet, professeur agrégé de philosophie au lycée Descartes et dans l’enseignement supérieur, inspire. La Mort Aujourd’hui (1), son dernier essai brillamment écrit, pose de nombreux constats sur notre rapport à la mort, hier comme aujourd’hui. Mais il interroge aussi comment nous en sommes arrivés là, à ce déni social et sa pérennité dans notre société occidentale. Eric chevet a choisi de traiter le sujet sous trois approches pluridisciplinaires : une approche du déni à la fois sociale et historique, une approche médicale et législative sur la normalisation du mourir, et une approche philosophique posant la question du comment accepter la mort.
La lecture de son livre relève presque d’un devoir pour soi, afin de penser la mort de manière personnelle. Mais pas que ! On constate que la culture du camouflage de la mort est ancrée premièrement dans notre éducation, en témoigne le retrait de ce thème du programme de philosophie au baccalauréat depuis 1996. Puis, il suffit de voir, lors de nos enterrements, ces offres de services funèbres proposés, qui déchargent la famille des soins du défunt depuis les années 1970. On cherche une efficacité et une rapidité dans le rite pour mieux ignorer de nouveau notre fin. Eric Chevet nous expose que la mort est devenue indésirable, « inacceptable » tout en restant inévitable. Ce déni est donc indiscutable.
Ce qui interroge, c’est surtout l’avancée médicale qui tend vers une « mort éthique », un décès sans douleur et surtout une mort maitrisée par un merveilleux bond en avant scientifique, certes, mais qui relève encore du service proposé comme au restaurant. « Prendrez-vous votre mort saignante ou à point ? » C’est là où le déni arrive, même dans notre façon de finir notre vie. Le progrès amène un luxe de la mort. On propose une mort paisible, sans douleur, sans aucun ressenti. En somme, à la demande. Outre le débat du droit à mourir du patient et le problème médico-déontologique du faire mourir chez les patients en grande souffrance, les soins palliatifs, pour Eric chevet, permettent d’avancer hors de ce déni « vers une mort assumée et peut être acceptée ». Mais si un accompagnement réussi n’est juste qu’un décès non vécu, est ce que ces soins ne sont qu’une façon de ne pas vivre jusqu’au bout sa mort ? Voulez-vous vivre votre mort ou ne pas y penser ?
Mélissa Mocquot
Création littéraire avec Laure Fonvieille
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