Quand mon miroir me ment
C’est dans une salle lumineuse, autour d’une grande table de réunion, que nous rencontrons Gaël Duvergé. Il est psychiatre au Centre d’Accueil et de Soins Spécialisés pour Adolescents et Jeunes Adultes (CASSAJA), ainsi qu’au point santé, rattaché à l’hôpital Guillaume Régnier, sur les universités de Rennes 1 et 2. Nous abordons avec lui la dysmorphophobie, trouble qui nous empêche de voir notre image telle qu’elle est réellement.
Gaël Duvergé nous explique que « globalement en psychiatrie classique, la dysmorphophobie est une certitude chez la personne qu’il y a quelque chose dans son corps, dans son image, qui est affreux et dont elle souffre. C’est pathologique. » Ce trouble se traduit au quotidien comme étant « un envahissement ; c’est la première idée au réveil. » La personne utilise donc des moyens extrêmes afin de cacher ou d’améliorer ces défauts. La dysmorphophobie peut concerner le corps et le visage. Gaël Duvergé nous donne l’exemple de deux de ses patientes : l’une, ne pouvant pas supporter de se voir, vivait dans un espace sans reflet ; et l’autre camouflait avec beaucoup de maquillage une gênante tâche de « vin » qui lui marquait son visage. De cette façon, ces deux patientes faisaient disparaître leurs « défauts » esthétiques pour convenir aux normes imposées par notre société.
La personne atteinte de dysmorphophobie a une mauvaise image d’elle-même. Ces manifestations obsessionnelles entraînent des attitudes négatives, voire néfastes pour la personne (pensée destructives, émotions incontrôlées, comportements disproportionnés, etc.). Ces dernières peuvent alors influencer la vie sociale, familiale et professionnelle du patient. Le trouble peut rester non diagnostiqué pendant des années parce que les personnes souffrant de dysmorphophobie sont trop gênées et honteuses de révéler leurs symptômes ou parce qu’elles croient sincèrement qu’elles sont laides.
On a pu identifier quelques possibles causes liées à la dysmorphophobie : « En termes de psychologie, de psychiatrie, des gens pensent que cela vient du cerveau, d’autres suggèrent qu’il s’agit de l’esprit, du psychique ou d’un environnement social. » explique Gaël Duvergé.
La dysmorphophobie touche entre 0,7% et 2,4% de la population (sondage thehealth.site.com), et en majeure partie les adolescents et les jeunes femmes. Ces chiffres restent sous-évalués car beaucoup de personnes touchées n’osent pas en parler par honte. Les réseaux sociaux ont un rôle certain concernant ce trouble. On parle même de « dysmorphophobie snapchat ». Fonctionnant sur un système de comparaison sociale, ils nous poussent à nous évaluer à travers les autres. Et l’usage des filtres standardise notre physique et engendre un flou entre notre image réelle et virtuelle : entre fantasme et réalité.
La personne peut alors surinvestir son corps en passant des heures à se sonder devant le miroir ou à l’inverse, met en place des stratégies d’évitement pour fuir son reflet, fuir certaines situations sociales pouvant conduire à l’isolement et parfois même au suicide.
A cette souffrance, Gaël Duvergé nous explique que « la psychothérapie peut être une solution. Le principe d’un symptôme, c’est que la personne souffre. » et qu’il faut donc qu’elle se fasse aider. Il ajoute qu’avec une bonne prise en charge et un bon suivi : « Leur vie change, ils trouvent d’autres appuis dans leur vie, ça disparait. ». Notons que la solution naturelle de s’accepter comme on est, mais cela reste toujours plus facile à dire qu’à faire…
Nicolas Noirbenne
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