Zelda au pays des livres magiques
Zelda, doctorante en lecture comparée et chercheuse en Science-fiction, nous a accordé une interview. Avec beaucoup de justesse, de culture et de passion, elle nous partage ses connaissances, issues de ses études, et de son parcours qui l’a notamment amenée à cofonder le « Laboratoire des Imaginaires ».
Le Laboratoire des Imaginaires est tout d’abord un projet de quatre camarades de Master. Le but premier de cette association étudiante est d’accompagner les étudiants pour leurs objets de recherche en les aidant à travailler sur les sujets liés aux mondes de l’imaginaire. Ce qui était au départ une simple association de l’université Rennes 2 compte aujourd’hui un grand nombre de membres dont certains en Suisse et au Canada. Ceux-ci viennent de domaines très variés, ils étudient aussi bien la psychologie que les arts plastiques, le « sound design », le « game design » ou viennent même d’« Infocom ». Au sein du Laboratoire, sa cofondatrice Zelda exerce une forme de régence de la fonction de présidente de l’association en alternance avec Corentin Daval, le président du Laboratoire qui évolue dans le milieu associatif depuis une dizaine d’années. La première est plus ancrée dans la recherche universitaire du fait de son doctorat. Les autres membres n’ont pas encore ce diplôme ou ne sont pas forcément à l’université.
Le début de la passion de Zelda pour la Science-fiction (SF) est en partie lié au hasard. L’origine de son nom pourrait induire en erreur, trahissant peut-être une certaine passion du monde de l’imaginaire de la part de sa famille, mais non. Celle-ci nous révèle que son prénom fait référence à une princesse évoquée dans une chanson d’Yves Simon, et non pas à une autre princesse qui donne son nom à un célèbre jeux vidéo. Mais cela n’empêcha pas son père d’être un grand fan de SF, et pour cette raison, il essaya d’y initier sa fille.
Malheureusement, quand il lui fit lire vers douze ans « Les derniers hommes » de Pierre Bordage, elle fut vite déstabilisée. Elle nous explique qu’il est difficile de comprendre la SF sans en connaître les codes : « Quand tu écris de la Science-fiction, tu pioches dans cette culture commune, parce qu’il y a une espèce de règle tacite qui fait que tout ce que l’on créé en science-fiction, ça tombe dans le domaine public du genre. » Ainsi, le télé-transporteur, élaboré dans la première série Star-Trek, doit être connu de tout lecteur de SF.
Tout naturellement, elle ne comprit pas à douze ans l’intérêt d’une telle lecture. Ce n’est que quand elle relira le livre bien plus tard, qu’elle le trouvera très réussi.
Même à ses débuts en études supérieures, la SF n’avait toujours pas suscité l’intérêt de Zelda. Elle est passé par une licence et un Master en lettres modernes, un Master en linguistique, des études à Varsovie, ainsi qu’une thèse en littérature comparée, avant de finalement s’intéresser au genre. Alors qu’elle est encore indécise sur le sujet de sa thèse, elle fait sur internet la rencontre fortuite avec l’univers qui va tant la passionner. Ce terme entier de « Science-fiction » est cependant trop général pour devenir un sujet d’études.
Zelda va donc s’intéresser plus précisément à l’influence des guerres nucléaires après 1945 et de la bombe atomique au sein du genre. Cet intérêt ciblé va la pousser à s’intéresser à des auteurs tels que Philip K. Dick ou Barjavel, deux personnages éminents du paysage SF. Parmi les écrivains les plus influents en Europe, Zelda fait également mention de H.G. Wells et Jules Verne, deux artistes aux styles assez différents. Le premier aura tendance à utiliser la forme de la SF pour dépeindre un fond plus humain et sociétal, tandis que le second marquera ses œuvres d’inventions scientifiques, toutes aussi créatives que logiques.
Pendant de longues années avant la popularisation de la Science-fiction, Zelda explique que, justement, la plupart des écrits se basaient sur la science « dure ». Créant ainsi des concepts d’engins et de machines presque brevetables, parfois au dépend de la qualité d’écriture, menant à la création du sous-genre de la « Hard SF ». Pour cette raison notamment, la Science-fiction n’était pas encore parvenue au grand public avant un bon bout de temps, et les critiques à son sujet n’étaient guère élogieuses. D’autant plus qu’en France, cette culture était sujette à une certaine « americanophobie ». À partir du moment où la SF a commencé à produire de la littérature plus accessible, à privilégier la qualité d’écriture plutôt que la faisabilité des inventions, le genre a commencé à s’étendre vers un plus grand public.
Cependant, même aujourd’hui, Zelda regrette que ce ne soit pas une littérature « générale », du genre que l’on verrait concourir pour des prix littéraires par exemple. À cause de cette méconnaissance généralisée de la SF en France, Zelda a eu du mal à trouver sa professeure référente l’ayant accompagnée sur sa thèse. C’est en partie pour cette raison qu’elle a décidé, avec plusieurs autres co-fondateurs, de créer le Laboratoire des imaginaires qui, par ailleurs, est partenaire du festival Ouest hurlant dont nous vous parlons dans ce numéro.
Le Laboratoire garde un objectif en ligne de mire : aider des élèves travaillant sur l’imaginaire à trouver l’aide qui leur est nécessaire. À présent, en plus d’être directrice temporaire du laboratoire, Zelda est doctorante en quatrième année de lecture comparée, alternant entre les études à Rennes et au Québec. Tout son parcours et ses recherches ont grandement contribué à étendre sa culture passionnante qu’elle aime partager sur sa chaîne Twitch : « DoctriZ ». Mais l’intensité de ce train de vie n’a pas que des avantages, comme elle l’a dit elle-même, le quotidien d’une doctorante « ça signifie être beaucoup stressée ». Zelda nous conseille de lire l’ouvrage qu’elle dévore en ce moment : l’intégrale des nouvelles de James Graham Ballard, spécifiquement celles écrites dans les années 1960. Le classique de cet auteur est la série The Disaster Quartet, compilant ses quatre premiers romans.
Elisa Poulain & Zacharie Heiss
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